Réflexion sur le rôle du contrôleur de gestion
De manière inconsciente, le contrôle de gestion est souvent associé comme une part de la comptabilité avec la fonction de fournir des informations aux managers, qui seront utilisé à des fins de planification et d’organisation des opérations ainsi que d’aide à la décision. Il est également associé à l’assistance des managers dans la prise de responsabilité envers leurs équipes.
Des lors que le contrôle de gestion est axé sur les besoins du gestionnaire et non sur ceux d’un acteur externe, elle diffère considérablement de la comptabilité financière.
Les travaux de Dumoulin (1983) nous permettent de proposer une synthèse sur les activités « classiques du contrôle de gestion »(1) . Il étudie aussi les activités des contrôleurs de gestion sur la base de différentes offres d’emploi et annonces. Elle justifie cette recherche par la nécessité de mieux comprendre les pratiques et les principaux outils utilisés. Son analyse révèle des contrôleurs de gestion souvent rattachés à la fonction administrative et financière, plutôt qu’à la direction générale. Les missions qui leur sont affectées sont : la gestion prévisionnelle et le suivi des résultats, la conception du système d’information de gestion, la planification et l’analyse financière, le contrôle interne. Ils sont aussi associés à quatre activités supplémentaires: le conseil et l’assistance, l’animation et la formation, la médiation, le suivi d’opérations particulières.
La planification fonde la démarche de gestion budgétaire, intimement associée à la pratique des contrôleurs de gestion. Mintzberg (1994) relaie les principales critiques qu’elle subit. Ainsi, elle est accusée de faiblement contribuer à l’émergence de nouvelles logiques stratégiques et de limiter les changements organisationnels nécessaires à l’adaptation de l’entreprise. Elle est considérée comme un style de management «calculateur» qui ne favorise pas l’engagement des acteurs. Enfin, elle mobilise trois hypothèses erronées: la possibilité d’anticiper l’avenir, la possibilité de déconnecter élaboration et mise en œuvre de la stratégie, la possibilité de formaliser le processus stratégique. Pour les auteurs critiques envers la planification stratégique, la stratégie doit se faire au plus près des actions par les managers et non par des cadres ou stratèges de la direction générale. Ces analyses fragilisent la logique organisationnelle associée à la gestion budgétaire, et remettent en cause le rôle des contrôleurs dans l’élaboration de plans financiers.
Shank (1989), par ses travaux, présente les caractéristiques principales des outils de gestion stratégique des coûts : l’analyse de la chaine de valeur, l’analyse du positionnement stratégique et l’analyse des inducteurs de coûts. L’analyse de la «chaine de valeur» implique une perspective plus large que celle de la comptabilité de gestion traditionnelle. Au lieu d’essayer d’optimiser la valeur ajouté, l’enjeu ici est d’optimiser chaque niveau de la chaine de valeur, de l’approvisionnement à la commercialisation. Les techniques proposées doivent permettre au contrôleur de gestion d’améliorer sa contribution à la création de valeur.
Le contrôle de gestion est particulièrement axé sur l’avenir, accorde moins d’importance à la précision, met l’accent sur les différents éléments d’une organisation, n’est pas régie par les principes comptables généralement reconnus.
Au-delà du maintien des contrôleurs de gestion dans des activités de suivi des systèmes d’aide à la décision et d’évaluation des performances économiques, des études permettent d’appréhender l’évolution des techniques qu’ils mobilisent. Drury et Tayles(1995) mentionnent la réalisation de nombreuses enquêtes, à partir des années 1990, sur les pratiques en contrôle de gestion. Ces enquêtes soulignent la simplicité des systèmes de calcul de coûts utilisés, et la faible adoption des méthodes de calcul de coûts par activités, pourtant plus pertinentes. En outre, elles précisent l’utilisation dans les systèmes de contrôle d’indicateurs non financiers, permettant de suivre divers aspects de la performance, indicateurs gérés par des acteurs autres que les contrôleurs. Selon ces études, la pratique des contrôleurs de gestion reste focalisée sur la dimension comptable et financière, le calcul de coûts complets, la recherche de coûts approximatifs obtenus rapidement plutôt que de coûts justes obtenus tardivement. Burns et Baldvinsdottir G. (2005) essaient de faire ressortir les éventuels dans les activités des contrôleurs de gestion, sur la base d’une étude de cas longitudinale. Cette étude présente un groupe qui adopte, à la suite de changements dans son environnement économique, une nouvelle approche stratégique basée sur la satisfaction des clients et la réduction des coûts. Cette nouvelle stratégie favorise la montée en puissance de l’information financière.
Le marché, ces dernières années, a été caractérisé par une concurrence accrue et une volonté d’amélioration continue. Plusieurs approches ont été développées pour aider les organisations à relever ces défis, notamment : la méthode ABC, le Just in time (JIT), le management par la qualité totale (MQT), la théorie des contraintes (TOC).
Le contrôle de gestion constitue un langage, un ensemble de références communes (Bouquin, 2008) (2). Tirant leur force de leur appellation « contrôleurs », ils peuvent être tentés de revendiquer une certaine expertise professionnelle, celle de spécialistes en modélisation économique et financière. Mais à vrai dire, ils n’en sont que maitre d’œuvre : le processus de contrôle est avant tout dans les mains des managers.
La littérature, notamment professionnelle, sur les contrôleurs de gestion explicite de manière généralement normative ce qu’ils doivent être ou devenir : des « business Partner » (Jablonsky et Keating, 1995 ; Cooper, 1996a ; 1996b ; Siegel, 2000 ; Burns et Yazdifar, 2001).
Le rôle du contrôleur de gestion est dépendant du contexte , des attentes de la direction générale et des acteurs opérationnels. Il semble difficile, même dans une analyse de niveau macro centrée sur les finalités et les techniques, de tirer des conclusions sur l’évolution des activités des contrôleurs de gestion.
(1) La stabilité des activités des contrôleurs de gestion est-elle paradoxale?, Comptabilité et innovation, Sèna John-Ahyee 2012
(2) Le contrôle de gestion , Henri Bouquin 2008